Empathie musclée8 h 30. J’arrive dans la salle de séminaire ensoleillée d’un superbe hôtel golf près de Paris. Dès le petit matin, je m’étais préparée intérieurement pour cette intervention comme pour une compétition sportive, respiration consciente, stabilité dans les jambes, garder le cap à tout prix! La raison pour ces mesures inhabituelles n’était pas un séminaire sur l’esprit d’équipe, un « Team Building » où parfois on pratique des activités un peu confrontantes. Non, j’allais tout simplement donner un séminaire de 2 jours sur la communication relationnelle, l’écoute empathique, l’expression des ressentis et la gestion des émotions, mais tout cela à… 9 hommes. L’un après l’autre, ils arrivent dans la salle. Certains se connaissent, pour la plupart ils se découvrent, tous travaillent dans un même groupe agroalimentaire, mais sur différents sites. Ils sont ingénieurs, commerciaux, responsables de la sécurité…, cadres ou agents de maîtrise. À peine le tour de table pour se présenter est-il commencé que l’un des participants s’écrie : « Mais il n’y a pas de femme dans ce séminaire!? » « Eeeuuuhhhh… oui, il y a une femme, moi… » (Rires dans la salle.) Je vois bien que par cette exclamation spontanée le participant exprimait la pensée des autres : « Oh là là! Pendant 2 jours une nana va nous dire qu’il faut être gentil, ne pas exprimer les choses brutes de décoffrage, avoir de l’empathie même à l’usine… Comment va-t-on survivre à cela sans se ridiculiser devant les mecs? » En effet, quand j’ai découvert qu’il n’y avait aucune femme sur la liste des participants — ce qui ne m’était jamais arrivé dans un tel séminaire où habituellement les responsables de formation veillent à ce qu’il y ait une grande mixité —, j’ai craint qu’un climat de stade de foot s’y installe… Je me posais donc de sérieuses questions! Comment faire pour travailler sur la communication relationnelle? Comment vont-ils aborder des thèmes délicats comme s’écouter soi-même, accepter que les émotions donnent des informations importantes sur nos besoins, ouvrir en soi un espace d’écoute de l’autre pour favoriser une coconstruction de solution, parler en « je », dire son désaccord d’une manière respectueuse? Toutes ces questions pour lesquelles les hommes sont réputés moins doués, voire récalcitrants! Nous débutons donc le séminaire avec une présentation où chaque participant parle de lui de manière métaphorique dans le contexte d’une séquence
filmée. Le petit speech est d’abord préparé en sous-groupe, puis vient le moment où la première personne doit s’exprimer devant les autres et la
caméra. La tension monte. Le participant commence à parler. Ça y est, je le sens, nous sommes dans un stade de foot! Mais pas en haut des tribunes, nous jouons sur
le terrain avec le meilleur des valeurs sportives : solidarité, entraide, respect, fair-play et franchise. Ouf! Alchimie du groupe, acceptation mutuelle d’être ce que nous étions, sécurité, respect et sentiment instinctif que l’on peut se dire les choses… Bref, chacun est sorti du « quand on est gentil on ne dit rien » ou du « quand on parle vrai on dit mal ou pire, on fait mal! (aux multiples sens du terme fait) ». Autant de conditions qui ont fait prendre la sauce! Et moi, derrière cela, avec un petit sourire, me disant : bon, il y a des choses qui évoluent vraiment… incontestablement. Milaya Lodron |